Rapport sur la santé mentale des mineurs non accompagnés (Comede / MSF)
Dans le rapport « La santé mentale des mineurs non accompagnés – Effets des ruptures, de la violence et de l’exclusion » paru aujourd’hui, Médecins Sans Frontières (MSF) et le Comede (Comité pour la santé des exilé·e·s) alertent sur les conséquences de l’exil et de la politique de non-accueil de la France sur la santé mentale d’un nombre important de mineurs non accompagnés (MNA) qui ne sont pas pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). En plus de majorer les pathologies psychiques préexistantes, les conditions de vie précaires des MNA favorisent l’apparition de nouveaux troubles. En effet, parmi les 395 patients des psychologues, 50% sont atteints de troubles réactionnels à la précarité et 37% de syndromes psychotraumatiques. Ces constats sont le fruit de plus de trois ans de pratique clinique auprès des MNA dans le centre d’accueil de jour situé à Pantin en Ile-de-France.
Une politique de non-accueil aggravante pour la santé mentale des jeunes
Les mineurs non accompagnés représentent une population particulièrement vulnérable du fait de leur minorité, de leur isolement et de leurs parcours de vie. Ce rapport révèle des chiffres préoccupants quant à leur état de santé. Parmi les jeunes suivis par les psychologues des deux associations entre 2017 et 2020, 50% sont atteints de troubles réactionnels à la précarité, 12% de dépressions et 37% de syndromes psychotraumatiques du fait des parcours de vie et d’exil marqués par la violence et les expériences traumatiques. Une fois arrivés en France, l’accueil qui leur est réservé impacte d’autant plus négativement leur santé mentale. Pour accéder à une protection, les MNA doivent faire reconnaître leur minorité et leur isolement devant le département. Parce qu’elle est souvent menée de façon expéditive et teintée de suspicion, l’évaluation départementale aboutit fréquemment à un refus de reconnaissance de minorité. Les MNA qui souhaitent contester cette décision peuvent saisir le juge des enfants, mais aucune prise en charge n’est prévue au cours de cette procédure, qui peut durer plusieurs mois voire plus d’un an. Les MNA sont laissés à la rue et livrés à eux-mêmes. De plus, la méconnaissance du système juridique et administratif français des MNAs ainsi que la barrière de la langue constituent de véritables obstacles pour qu’ils puissent contester ce rejet de minorité.
Les conséquences de la politique de non-accueil en France s’ajoutent aux traumatismes vécus tout au long du parcours d’exil et dans le pays d’origine. Elles impactent la santé mentale des jeunes car elles les plongent dans une précarité qui favorise l’apparition de troubles nouveaux tout en renforçant les troubles préexistants.
Des mesures concrètes et urgentes pour permettre à cette jeunesse de s’inscrire dans la société française
Sur la base de ces constats préoccupants, MSF et le Comede dénoncent la dégradation des conditions d’accueil des MNA et rappellent l’État français à ses obligations de protection et de soins des mineurs isolés présents sur son territoire. Elles enjoignent les autorités administratives et sanitaires à prendre des mesures concrètes et urgentes pour faciliter l’accès aux soins des MNA, notamment aux soins en santé mentale. Les deux organisations appellent les acteurs politiques et institutionnels à modifier les conditions d’accueil et d’insertion des MNA en recours dans l’objectif de mettre fin à la maltraitance institutionnelle dont ils sont l’objet. La suppression des facteurs de stress à l’origine des troubles réactionnels à la précarité des conditions de vie en France est un objectif atteignable par toute politique volontariste. Pour que la réponse aux besoins en santé mentale des MNA soit effective, il est nécessaire de créer des lieux de soins dédiés à la jeunesse (12-25 ans), pensés autour d’une prise en charge pluridisciplinaire. La présence d’une équipe pluridisciplinaire, incluant systématiquement le recours à l’interprétariat professionnel, est indispensable pour répondre à leurs besoins dans leur globalité. Si l’État français ne peut résoudre à lui seul les difficultés auxquelles sont confrontés les MNA dans leurs pays d’origine et sur la route de l’exil, celles qui se déroulent sur le territoire français relèvent de sa responsabilité.
Pour en savoir plus, téléchargez le rapport complet ou le résumé exécutif.
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